A Namanga chez le Dr Kabati

 Lors de nos nombreux échanges avec Pendaeli et Janeth, ceux-ci nous proposent de nous envoyer chez un de leurs amis, dans un village perdu à la frontière avec le Kenya. Nous ne savons pas vraiment ce que nous allons y faire, ni ce qui nous attend là-bas, mais on décide de se laisser porter en toute confiance.

L’inattendu se présente déjà sur la route vers cet inconnu. Une girafe esseulée, à l’air complètement perdu, trône au milieu d’une prairie desséchée, comme si quelqu’un l’avait déposée là, au bord de la route. Hurlements de joie des enfants, enfin un animal digne de l’Afrique !


Cette rencontre insolite annonce autant l’incongruité de ce qui nous attend qu’elle ne reflète notre propre condition : nous allons être déposés dans un endroit sans repères, comme une girafe perdue en bord de route.

Un peu plus loin, alors que nous sommes à distance de toute réserve nationale, nous croisons tout un troupeau en train de brouter, c’est l’explosion de joie, cet endroit s’annonce divin !



L’accueil du Dr Kabati est chaleureux, un repas nous attend ainsi que quelques explications. La maison est vaste mais modeste, sombre et plutôt étriquée, elle grouille d’enfants, d’adolescents et d’adultes dont nous ne parvenons pas à savoir s’ils vivent ici ou ailleurs. La table nous est cependant réservée avec le Dr Kabati, comme les chambres de l’intérieur de la maison. C’est exigu et spartiate, mais chaleureux.

 




 

Le Dr Kabati attend de nous un coup de main pour la fondation qu’il a créée avec l’argent de sa retraite et la vente de sa clinique : une école en anglais destinée aux orphelins et familles déshéritées, plus particulièrement issues des tribus maasaïs environnantes qui ont tendance à ne pas scolariser les enfants. Il faut savoir également que l’école publique tanzanienne est dispensée en kiswahili jusqu’à l’équivalent de la 5ème, classe au terme de laquelle les élèves doivent passer une épreuve de niveau leur donnant éventuellement l’accès à la suite des études… qui ne sont proposées qu’en anglais. Les familles aisées inscrivent donc leurs enfants dans des écoles privées utilisant l’anglais dès la maternelle, garantissant à leurs enfants l’accès à cette seconde partie de leurs études. Quant aux enfants des familles pauvres, ils n’ont donc quasiment aucun espoir de dépasser le niveau 5ème.

De par son histoire personnelle (voir Portrait dans « rencontres sur l’oekoumène »), le Dr Kabati a tenu à utiliser son argent pour donner une chance aux enfants qui n’en ont pas, comme lui-même en son temps. Il soigne, élève et éduque, c’est la clé selon lui.

 

Au moment où nous sommes chez eux, une dizaine d’orphelins occupent les lieux, mais également 3 masaaïs hébergés sous perfusion pendant leur traitement, une cousine lointaine (mère célibataire accueillie avec son enfant en échange de services ménagers), la sœur de Joyce qui a quitté le Kenya en raison du Covid, ainsi qu’une employée de maison et son petit garçon. On vous laisse imaginer le joyeux bordel dans lequel se déroule notre séjour !

 








Deux jours après notre arrivée, un couple vêtu de façon très bureaucratique frappe à la porte. Il est accompagné d’un petit garçon qui tient dans la main un petit sac en tissu contenant quelques effets personnels. Ce sont les services sociaux. Ils viennent de récupérer l’enfant, âgé de 6 ans, suite à des maltraitances aggravées de la part de sa mère. Ils n’ont pas d’endroit où le mettre, pas de place en institution. Il a des marques sur tout le corps, les yeux perdus. Le Dr Kabati est connu dans le secteur pour son accueil des enfants, il en prend donc régulièrement sous son aile pour le compte de l’assistance publique, en attendant que l’État trouve une solution, soit entre quelques jours et 6 mois… Marie-Lucie se sent bizarrement rattrapée par son travail en protection de l’enfance !


Nous sommes donc embarqués dans une sacrée aventure culturelle et humaine. Dès le lendemain de notre arrivée, nous sommes propulsés à l’école en tant que professeurs et les enfants en tant qu’élèves.

 

Églantine part à l'école        

 


 


 


Nous partons chaque matin vers 7h avec la petite troupe d’enfants, ou seulement avec Sion la fidèle lorsque nous ne sommes pas prêts suffisamment tôt ! Nous traversons le village ensemble pour aller à l’école dont le rassemblement en ordre et chansons commence à 7h30. Certains élèves dédiés sont arrivés à 7h, pour nettoyer et ranger les classes. A 8h, les cours démarrent.

 




 

 


 

Rassemblement du matin       

 

Notre expérience d’enseignement est tout simplement originale ! Quel prof ne rêverait-il pas d’élèves aussi studieux et disciplinés ?!! Nous sommes néanmoins un peu consternés par le contenu des manuels scolaires… Outre les thématiques parfois saugrenues, les choix pédagogiques pour traiter un sujet sont parfois incompréhensibles et de nombreuses fautes (ou probables erreurs de copier-coller dans les impressions) rendent le support souvent inutilisable. Les 4 profs circulent d’une classe à l’autre (8 au total) pour distribuer le travail et donner les leçons. La loi tanzanienne impose d’avoir une salle de classe par niveau, quel que soit le nombre d’élèves. Ce qui est absolument ridicule dans la situation de Namanga, car l’école ne compte pas plus d’une cinquantaine d’élèves et ne peut se permettre de salarier plus de 4 enseignants… Ce qui fait que certaines classes ne comportent que 3 élèves ! 

 

The Solar System      

 

 

  























 
 
 
La classe des petits récitant l'alphabet !
 



A la maison, les filles nous aident à laver correctement notre linge (nous ne sommes visiblement pas assez expérimentés !!) nous accompagnent faire nos petites emplettes ou assister au match de foot du village

 





Les enfants se passionnent aussi pour les quelques jeux dont nous disposons sur la tablette et la petite troupe nous emmène en balade dès que possible. En fait, chaque occasion est bonne pour partager un moment ensemble.





Malgré tout, nos enfants se sentent parfois un peu oppressés de ce tourbillon de vie, de toutes ces sollicitations, de tous ces partages, de cette participation hors-norme à l’école. Il y a finalement peu d’espace de solitude ou de jeux personnels, et dans toute cette agitation, ça manque un peu !

Aliocha a de plus été très malade pendant une partie du séjour, ce qui l’a beaucoup fatigué et ne lui a peut-être pas permis de profiter tout à fait de cette expérience. Heureusement que le foot facilite des liens universels !

Le Dr Kabati fustige régulièrement la culture masaaï, qui selon lui n’accorde aucune valeur à la vie humaine et particulièrement à celle des femmes et des enfants. Les femmes ne sont que des outils du fonctionnement de la société masaaï : l’homme, polygame, gère les troupeaux ; les femmes construisent les huttes (il y a une forme de nomadisme), préparent les repas et font les enfants. Si une femme meurt, on la remplace, parfois dans la journée. Le Dr Kabati nous explique aussi qu’il y a une dizaine d’années, le peuple masaaï n’enterrait même pas ses morts, ce qui est un fait rarissime dans les cultures humaines. Si un décès survenait, l’endroit se retrouvait maudit et conduisait simplement la famille à déménager, en laissant le corps du défunt à la merci des charognards. Il précise aussi qu’il y a une forme « d’amnésie » très particulière qui repose sur une sorte d’absence de lien affectif entre les membres d’une famille qui conduit les masaaïs à ne jamais garder souvenir d’un défunt. La famille continue sa route et ne se rappellerait donc pas de celui ou celle qu’elle a laissé(e) derrière. Les orphelins que le Dr Kabati accueille, de même, n’auraient pas de souvenirs de leur vie passée… Bon, cet aspect en particulier nous a quand même beaucoup interrogés !

 



 



Commentaires

  1. C est quand même un voyage très studieux!
    Félicitations entre autre a Lisette pour ses récits
    C'est chouette de vous lire et de faire une escapade matinale en ce WE toujours confinés; On peut enfin voyager avec vous
    Amitiés
    Claire

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  2. Bonjour Aliocha . Est ce que tu va revenir bientôt ?
    Est ce que tu as eu peur juste à coté de la girafe ?

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  3. Bonjour la family, merci pour vos derniers articles. Ils sont très touchants. Pour répondre à Églantine, c est quand elle veut qu elle revient à la chèche😉.

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